
Dossier | Être un sommelier moderne, ça veut dire quoi ?
Cofondateur avec le chef Victor Berthe du restaurant Coup de Main (Lille), le sommelier Clément Delecluse, 30 ans, part du principe que le sommelier moderne, s’il doit connaître le champ liquide bien au-delà du seul vin, est celui qui va savoir s’ouvrir aux nouvelles appellations pour valoriser les territoires et les nouveaux vignerons.
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Restaurant Coup de Main
Coup de Main sur Instagram
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Texte | Franck Pinay-Rabaroust
Photographie | DR
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« Un sommelier moderne ? Vaste question que celle-ci ». Clément Delecluse, sommelier du micro-restaurant lillois Coup de Main, « un comptoir de quartier intimiste de 16 couverts », n’a pas tort. On peut vite partir dans tous les sens avec une question presque sans frontières. L’homme, 30 ans tout rond, a la tête bien faite, carrée et cohérente, à l’image de sa carte qui compte quelque 125 références, constituée très majoritairement de « vins vivants » ; « J’aime bien parler de ‘vins respectueux et durables’ » précise celui qui a travaillé un temps à la création d’une branche vin chez Slow Food.
Revenons à nos bouchons et à la question du sommelier moderne. Clément Delecluse a creusé son sujet et trouver son sillon. Par-delà le fait que le spécialiste du vin se doit de l’être désormais sur une foultitude de liquides – saké, bière, cidre, kombucha… -, il estime que la modernité passe par la valorisation des nouveaux territoires du « bon » vin. Aveyron, Touraine, Roussillon ou Languedoc émergent de nouvelles appellations et de nouveaux vignerons qui révolutionnent le secteur. « Il n’y a jamais eu autant de vignerons connus en Côte d’Auvergne » rigole-t-il. « J’ai par exemple référencé une cuvée en IGP Pays de Cucugnan, c’est superbe. »
Et le client dans tout cela ? « Il change. Il y a cinq ans, ce n’était pas évident de le faire partir sur un vin d’Auvergne. Aujourd’hui certains de nos clients peuvent citer plusieurs vignerons de la région. A nous de les orienter ailleurs pour favoriser la découverte et le plaisir. » D’où l’importance de la tendance forte du vin au verre : « Rien de mieux que de faire goûter. Si le client apprécie, il prend ; sinon, on passe à autre chose. » Comment lui, sommelier, s’informe-t-il des nouveaux vignerons dans ce monde en perpétuel mouvement ? « Pour ça, j’ai abandonné la presse professionnelle comme la Revue des Vins de France. Mon réseau est plutôt amical. Et il y a les vignerons qui constituent la principale source d’informations pour découvrir les nouveaux acteurs qui comptent. »
De ce bouleversement du monde du vin, Clément Delecluse note deux éléments qui valent leur pesant de raisin. D’abord la montée en puissance de la dénomination « vin de France » qui ressemble à un pied de nez à des appellations qui ressemblent parfois à des carcans, voire à des boulets. Ensuite, cette multiplication des appellations et leur montée en qualité rendent selon lui les concours plus difficiles qu’avant. « La masse de connaissance pour un sommelier est quasiment inépuisable » conclut-il. Il n’y a pas que l’ivresse qui donne le tournis dans le métier.