
Dossier | La salle doit-elle se mettre au parfum ?
Pour la parfumeuse Isabelle Larignon, les odeurs pourraient jouer à l’avenir un rôle bien plus important dans la salle du restaurant. D’une expérience en deux dimensions, elle ouvre la porte au repas en trois dimensions.
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Site d’Isabelle Larignon Parfums
Isabelle Larignon Parfums sur Instagram
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Auteur | Franck Pinay-Rabaroust
Photographie | Artichaut
« Dans un monde saturé de visuel et de sons, je note ces dernières années une montée en puissance de l’olfactif. Mais il y a pratiquement encore tout à faire » estime la parfumeuse Isabelle Larignon. Celle qui a déjà trois créations à son actif et qui s’apprête à lancer sa quatrième fragrance connait bien le monde de la restauration pour y avoir travaillé par le passé. Pour elle, l’hôtellerie s’est déjà emparé des odeurs, créant pour certaines adresses de véritables signatures olfactives. Demain, le restaurant peut-il s’y mettre ?
Isabelle Larignon souligne une première évidence : le monde du restaurant n’est pas étranger au royaume des odeurs. Celle du café servi au bar le matin, celle de l’oeuf dur et des frites au déjeuner… « Vous rentrez dans un restaurant italien, marocain ou autre, les odeurs ne sont pas les mêmes en fonction des aliments cuisinés. L’odeur est intrinsèque à ces lieux de vie collectifs. » Faut-il ajouter de l’odeur à l’odeur ? Le parfum corporel semble la plupart du temps banni pour éviter de gêner le client, « il est même parfois interdit au client au Japon », se pose en revanche la question de l’esthétisation et de la scénarisation de l’odeur en salle. « Par opposition au Japon où l’on a souvent peur de déranger, la France possède une forte culture du parfum. On aime se faire remarquer avec une fragrance dans certains lieux où l’on apprécie se faire voir, où l’on s’habille pour l’occasion. »
Pour Isabelle Larignon, cela ne fait aucun doute : « la salle doit s’emparer de l’olfactif, en collaboration avec la cuisine bien sûr. » Comment ? « Plusieurs pistes sont possibles. Mais démarrons déjà par le commencement : les odeurs du plat. Le personnel de salle peut en parler, les présenter simplement en complément de l’énumération des produits comme cela se fait souvent. Les sommeliers le font déjà avec le vin. » « En oubliant l’odeur, on limite grandement le repas à deux dimensions seulement : le visuel et le toucher » avant la parfumeuse. Laquelle rappelle également que cela peut aussi passer par des outils dessinés spécialement dans l’objectif de permettre de sentir, « à l’instar du petit ustensile que l’on retrouve pendant la cérémonie du thé, qui ressemble fortement à un soliflore ». « Et pourquoi ne pas inviter le client à fermer les yeux face à un plat » propose-t-elle.
Cuisine et parfumerie, deux univers qui se parlent sans arrêt sans vraiment s’entendre. « Je ne compte plus les produits que l’on retrouve en parfumerie qui sont présents dans les cuisines des restaurants » rigole-t-elle. Et de rappeler enfin que par-delà l’hyper subjectivité du monde des parfums, « les odeurs passent dans le cerveau d’abord par la partie émotionnelle avant d’atteindre celle de l’analyse. » Le parfum, exhausteur de l’expérience culinaire ? Une évidence encore trop peu usitée.